Dossier

Donation immobilière : tout ce que vous devez savoir

29 novembre 2023
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Les donations de biens immobiliers peuvent constituer une décision financière importante. Il est essentiel d'en comprendre pleinement les implications juridiques et fiscales. Que ce soit dans le cadre d'une planification successorale ou simplement pour aider vos enfants à donner un bien immobilier, nous vous expliquons à quoi faire attention et comment procéder au mieux.

Introduction

Qu'est-ce qu'une donation immobilière ?

Il s’agit d’une donation qui porte sur un bien immeuble.

Les bases de la donation d’immeuble en droit civil

On l’oublie parfois mais la donation d’un immeuble est un contrat par lequel le donateur se dépouille gratuitement et irrévocablement d’un bien immobilier au profit du bénéficiaire qui accepte cette donation.

Dans cette définition, chaque mot a son importance. Soulignons notamment que la donation est irrévocable : une fois donné, on ne peut revenir en arrière, sauf raisons exceptionnelles d’ingratitude du bénéficiaire, strictement définies par la loi. Le bénéficiaire doit accepter la donation, on ne peut lui donner à son insu, il ne s’agirait pas d’une donation.

Une donation d’immeuble doit obligatoirement se faire par écrit devant notaire. Une donation d’immeuble ne peut pas faire l’objet d’un contrat entre particulier, elle ne serait pas valable. L’intervention du notaire est impérative s’agissant d’une donation portant sur un immeuble.

Les types de biens immobiliers pouvant être donnés

Une donation d’immeuble peut porter sur une maison, un appartement, un terrain à bâtir, un terrain agricole, un bois, un garage, une usine, en fait tout ce qui immeuble et qui vous appartient en propre peut être donné.

Mais vous pouvez aussi donner une partie d’immeuble. Soit parce que vous souhaitez donner votre immeuble pour moitié à votre fille et pour moitié à votre fils. Ou parce que vous ne possédez qu’une partie de l’immeuble : vous avez acheté une maison avec votre conjoint et vous êtes marié sous régime de communauté de biens. Dans ce cas, vous ne pouvez donner que la moitié de l’immeuble à votre enfant. Votre conjoint pourra évidemment donner sa moitié mais il faudra que les deux conjoints donnent leur partie de l’immeuble pour que leur enfant en ait la propriété entière.

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Pourquoi faire une donation immobilière ?

La première raison paraît évidente : le donateur souhaite faire un cadeau au bénéficiaire, que ce soit par générosité, amitié, amour, reconnaissance, les causes peuvent être multiples. Souvent, ce sera pour rendre service au bénéficiaire, lui donner un coup de pouce dans la vie. Les parents qui en ont les moyens financièrement sont nombreux à aider leurs enfants qui souhaitent acheter un logement. 

Mais il y a très souvent une autre raison, moins philanthropique et beaucoup plus terre-à-terre. La donation permet de faire des économies d’ordre fiscal au moment de la succession. Eviter de payer des droits de succession  élevés est très souvent la principale raison de faire une donation de son vivant. Pourquoi ? Parce que l’impôt que l’on paie sur une donation immobilière est moins élevé que l’impôt que l’on paie sur une succession. Attention toutefois si vous voulez donner tout ou partie de l’immeuble familial à vos enfants. A Bruxelles et en Wallonie, il existe un tarif préférentiel en droits de succession qui s’applique à l’immeuble familial hérité en ligne directe. Il n’est donc pas certain, dans cette hypothèse, qu’une donation immobilière soit vraiment avantageuse.

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Comment faire une donation d’immeuble ?

C’est très simple : prenez rendez-vous avec le notaire, expliquez-lui ce que vous souhaitez faire et il s’occupera du reste.

Mais ce n’est peut-être pas si simple que ça. Il y a quand même plusieurs petites choses auxquelles il vaut mieux penser avant d’aller chez le notaire. Pourquoi souhaitez-vous faire une donation, avez-vous vraiment les moyens de donner cet immeuble, voulez-vous préserver l’égalité entre vos enfants ou bien voulez-vous donner cet immeuble en plus de sa part d’héritage à l’un de vos enfants, est-ce que vous ne risquez pas d’entamer la réserve légale d’un de vos héritiers réservataires, que se passerait-il si le bénéficiaire devait décéder avant vous ? Ce sont des questions importantes que vous devez absolument discuter avec votre notaire.

Vous devrez aussi déterminer la valeur de l’immeuble. Là aussi, le notaire peut vous aider. Il connaît (ou peut connaître) les prix de vente réels des immeubles dans votre quartier. Rien ne vous empêche évidemment de prendre l’avis d’un expert ou d’un agent immobilier par exemple.

Quand vous aurez discuté vos intentions avec le notaire, il fera un projet de donation. Lisez-le bien et faites-vous expliquer les points que vous ne comprendriez pas. Ensuite, il faudra prendre rendez-vous pour signer l’acte notarié avec le bénéficiaire.

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Les aspects civils de la donation immobilière

Comme la donation d’un immeuble est toujours notariée et enregistrée, il est impossible de donner en toute discrétion sans trop vous soucier des règles. Vous devez tenir compte de certaines contraintes liées aux règles en matière de succession.

La réduction

Si vous avez des héritiers réservataires (des enfants ou un époux/une épouse) vous ne pouvez disposer librement que d’une partie de votre succession, appelée la quotité disponible. Les héritiers réservataires ont en effet le droit de réclamer une partie de l’héritage que la loi leur assure.

Si vous avez des enfants, leur réserve est égale à la moitié de la succession (à partager en parts égale entre les enfants) ce qui veut dire que la quotité disponible est égale à la moitié de la succession.

Si vous avez un époux/une épouse, il ou elle a droit à une réserve égale à la moitié de la succession en usufruit. La quotité disponible est alors égale à la moitié de la succession en pleine propriété et la moitié en nue propriété.

Si vous avez fait des donations de votre vivant, elles ne peuvent pas entamer la réserve de vos enfants ou de votre conjoint. Si c’est le cas, ils peuvent demander la réduction de ces donations de telle manière qu’ils obtiennent au moins le montant de leur réserve successorale. C’est donc un aspect dont vous devez tenir compte lorsque vous faites une donation immobilière. Pour déterminer la valeur de l’immeuble, celle-ci sera indexée (indice des prix à la consommation) depuis le moment où elle a eu lieu jusqu’au moment du décès.

Exemple de réduction : Jean a deux enfants, Carine et Michel. Il fait une donation de 350 000 € à sa nièce Nathalie. Lors de son décès, il laisse 100 000 € d’économies. Michel et Carine estiment que leur réserve est entamée. En effet, le patrimoine total s’élève à 450 000 €. Jean pouvait disposer librement de la moitié, soit 225 000 €. La réserve de Carine et Michel ensemble est également de 225 000 €. Comme il ne reste que 100 000 € lors de la succession, ils peuvent demander que la donation faite à Nathalie soit réduite de 125 000 €. Elle devra donc leur rembourser cette somme.

Le rapport

Un autre point important à connaître en matière de donation est que la donation faite à un héritier est supposée être une avance sur sa part dans la succession (on parle d’une donation en avancement d’hoirie). Cela signifie que la donation devra être "rapportée" à la succession pour effectuer le partage. De cette manière, on préserve l’égalité entre les héritiers. Le rapport se fait en "moins prenant" au moment de la succession.

Exemple : Jean a deux enfants. Il y a un an, il a donné un terrain de 100 000 € à sa fille Carine. Au moment de son décès, il laisse une maison d’une valeur de 300 000 € et 100 000 € d’économies. Un total de 400 000 €, soit 200 000 € pour chacun de ses enfants, pensez-vous ? Pas vraiment, les 100 000 € du terrain doivent être rapportés à la succession. Le total est donc de 500 000 €. Soit 250 000 € chacun. Lors du partage, son fils Michel recevra donc 250 000 €, sa fille Carine seulement 150 000 €.

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Avantages fiscaux liés à la donation d’immeuble

Dans la plupart des cas, le donateur souhaite faire une donation d’immeuble pour éviter au bénéficiaire de payer des droits de succession très élevés à son décès.

C’est d’autant plus intéressant si l’héritier en question n’est pas un enfant ou un petit-enfant du donateur. En effet, pour une donation d’immeuble d’une valeur de 250.000 €, le bénéficiaire paiera 13.500 € de droits d’enregistrement  entre époux ou cohabitants et en ligne directe (enfant, petit-enfant) 35.000 € dans les autres cas. Dans la même hypothèse (immeuble de 250.000 €) hérité dans le cadre d’une succession, l’héritier en ligne directe paierait 26.625 € en Wallonie, 25.750 € à Bruxelles, 19.500 € en Flandre. 

Taux des droits d’enregistrement pour les donations immobilières

En ligne directe, entre époux ou cohabi­tants Entre toutes au­tres person­nes
Montant de la do­na­tion Taux Mon­tant de l'im­pôt sur les tran­ches précé­dentes Taux

Montant
de l'impôt
sur les tran­ches
précé­dentes

De 0,01 à 150 000 € 3 % - 10 % -
De 150 000 à 250 000 € 9 % 4 500 € 20 % 15 000 €
De 250 000 à 450 000 € 18 % 13 500 € 30 % 35 000 €
Au-delà de 450 000 € 27 % 49 500 € 40 % 95 000 €

A comparer avec les droits de succession que vous trouverez ici.

La règle des 3 ans

Ce que vous devez savoir à propos des donations d’immeubles est que si vous faites des donations successives, vous devez les espacer d’au moins 3 ans si vous voulez optimiser l’avantage fiscal. Pourquoi ? Parce que, si vous avez fait une donation d’immeuble moins de 3 ans avant une nouvelle donation, le montant de la première sera rajouté à la seconde pour déterminer le taux des droits de donation applicable à celle-ci.

 Par exemple, vous avez donné un appartement de 250.000 € à votre fille en 2022. Elle paie 13.500 € de droits d’enregistrement. En 2023, vous lui donnez un nouvel appartement de 250.000 €. Elle paiera alors 49.500 €. En effet, les droits d’enregistrement seront calculés sur 500.000 € (le montant cumulé des 2 donations) soit 63.000 € dont on déduit le montant des droits d’enregistrement déjà payés sur la première donation (63.000 – 13.500 = 49.500 €). Au total, elle aura payé 63.000 € de droits d’enregistrement.

Si vous laissez passer au moins 3 ans entre les deux donations immobilières, votre fille paiera deux fois 13.500 €, soit 27.000 € en tout.

En Wallonie et en Flandre, la même règle des 3 ans s’applique si vous décédez moins de 3 ans après la donation immobilière. Elle devra, de la même manière, être rajoutée à la part de succession de votre fille pour déterminer le montant des droits de succession à payer.

A Bruxelles, par contre, une donation immobilière ne doit pas être rajoutée au montant de la succession même si vous décédez moins de 3 ans après la donation.

Qui doit payer les droits d’enregistrement sur la donation ?

Rien n’est prévu à ce sujet. En général, dans le cas d’une donation entre un parent et un enfant, c’est le parent qui paie les droits d’enregistrement puisqu’il veut avantager au maximum son enfant. Mais il pourrait tout aussi bien considérer qu’il en fait déjà assez en se privant de son immeuble et que l’enfant peut bien prendre en charge les droits d’enregistrement. C’est à décider en famille.

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Les modalités des donations immobilières

Comme, de toute façon, vous devrez consulter un notaire pour faire une donation notariée, il pourrait être intéressant de prévoir certaines modalités. Cela dépend évidemment de votre situation personnelle et de celle de votre famille. Mais voici quelques exemples de ce qui pourrait être prévu.

La donation par préciput et hors part

Quand une donation est faite à un héritier du donateur, la loi présume que cette donation est en fait une avance sur sa part de la succession. Quand le donateur décède, cette donation doit être "rapportée" à la succession si les autres héritiers le demandent (ils peuvent aussi renoncer à demander le rapport). Le rapport se réalise en "moins prenant", c'est-à-dire que le bénéficiaire de la donation recevra moins de part d'héritage puisqu'on considère qu'il a déjà reçu une avance au moment de la donation.

Le donateur peut toutefois stipuler qu'il s'agit d'une donation "par préciput et hors part". Dans ce cas, les autres héritiers ne pourront pas en demander le rapport, le bénéficiaire peut garder sa donation et, en plus, participer au partage de la succession par parts égales avec les autres héritiers.

Un bémol toutefois : la donation hors part est imputée sur la quotité disponible de la succession. Si la donation dépasse cette quotité disponible, les autres héritiers peuvent demander qu'elle soit réduite, de sorte qu'ils recevront au moins la réserve à laquelle ils ont droit.

A noter qu'une donation faite à un non-héritier (par exemple, une donation faite à sa sœur par un donateur qui a des enfants) n'est pas soumise au rapport mais bien éventuellement à la réduction si elle dépasse la quotité disponible.

La donation à terme

Vous donnez aujourd’hui mais la donation ne prendra effet qu’à la survenance du terme. L’exemple le plus courant est celui des grands-parents qui donnent à leur petit-enfant quand il aura atteint 18 ans (ou plus). Attention, cette donation est définitive : les biens donnés n’appartiennent plus aux grands-parents, ce sont seulement les effets de la donation qui sont suspendus jusqu’à l’arrivée du terme.

Le droit de retour conventionnel 

C’est un des rares cas où l’on peut revenir sur une donation qui, rappelons-le, est en principe irrévocable. Il s'agit d'une clause résolutoire qui permet de mettre fin à la donation si le bénéficiaire décède avant le donateur. Cette clause est conseillée quand vous donnez à un enfant marié qui n’a pas (encore) d’enfants. Si votre enfant décède avant vous, l’objet de la donation vous reviendra, sans qu’il y ait de droits de succession à payer.

La donation avec charge

Vous faites une donation à charge pour le bénéficiaire de faire quelque chose en échange, généralement vous verser une rente. Attention, il peut arriver que l’exécution de la charge devienne trop lourde pour le bénéficiaire, parce que sa situation a changé. A ce moment-là, il ne pourra plus renoncer à la donation et il sera obligé de continuer à exécuter la charge. S’il ne le fait pas, le donateur pourra demander la résolution de la donation pour inexécution de la charge.

Autres exemples de charge :

  • vous pouvez soustraire la donation faite à un mineur d’âge au droit de jouissance légal de ses parents. Ainsi, c’est le mineur lui-même qui aura le droit de jouissance. Ceci peut être intéressant pour les couples divorcés si l’un des parents souhaite donner sans que l’autre en profite ou les grands-parents qui ne veulent pas que les parents (ou un des parents) de leur petit-enfant aient la jouissance de ses biens;
  • vous pouvez stipuler que le bénéficiaire ne pourra pas faire entrer la donation dans la communauté légale. Vous évitez de cette manière que ce que donnez à votre enfant ne devienne un bien commun. L’objet de la donation lui restera propre et ne pourra bénéficier à son conjoint (en tout cas pas par contrat de mariage).

La donation avec réserve d’usufruit

Dans une donation avec réserve d’usufruit, vous donnez en réalité la nue-propriété au bénéficiaire et vous conservez l’usufruit pour vous. S’agissant d’un immeuble, la formule paraît séduisante puisque vous pouvez conserver le droit de mettre l’immeuble en location ou de l’occuper vous-même. Vous pouvez donc continuer à profiter de votre chalet en montagne ou de votre appartement à la mer. Mais il n’est pas rare que des conflits surviennent quand il s’agit de payer les travaux d’entretien (en principe à charge de l’usufruitier) ou de plus grosses réparations (en principe à charge du nu-propriétaire). Autant réfléchir dès le départ à une répartition équilibrée mais en tout cas, très claire, des charges.

Le mandat de gestion

Certains donateurs veulent aller plus loin encore que simplement se réserver l'usufruit des biens donnés, ils veulent aussi en garder le contrôle. La plus grande prudence s'impose car une donation implique un dessaisissement des biens donnés. Si on en garde le contrôle, il a déjà été jugé qu'il ne s'agissait pas d'une donation avec pour conséquence que les héritiers du donateur peuvent en exiger la restitution et le fisc prélever des droits de succession.

Plutôt que d'insérer, dans la donation, une charge prévoyant que la gestion des biens donnés revient au donateur, il vaut mieux réaliser la donation sans pareille charge. Et, une fois la donation effectuée, le bénéficiaire peut toujours confier un mandat de gestion au donateur. Mieux vaut prévoir dans ce mandat que le mandataire devra rendre compte de sa gestion et délimiter le plus précisément possible ses pouvoirs.

L'inconvénient, c'est que le bénéficiaire peut aussi révoquer le mandat. Mais si le donateur tient à ce point à conserver le contrôle, il vaut peut-être mieux qu'il s'abstienne de faire une donation.

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Peut-on revenir sur une donation d’immeuble ?

Vous connaissez sans doute le dicton "donner c’est donner, reprendre c’est voler". Il exprime très clairement qu’une donation est irrévocable. Quand on donne, on perd tout droit sur ce qu’on a donné. Il existe néanmoins quelques exceptions.

Une donation peut être résolue en cas d’inexécution des charges liées à la donation. Par exemple, vous aviez prévu comme charge le paiement d’une rente à votre profit. Le bénéficiaire cesse de payer la rente, vous pouvez demander la résolution de la donation.

Une donation peut aussi être révoquée pour cause d’ingratitude du bénéficiaire. Les causes d’ingratitude sont précisées par la loi :

  • le bénéficiaire a attenté à la vie du donateur
  • il s’est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves
  • il lui refuse des aliments

Il faut donc que le bénéficiaire ait commis des actes graves envers le donateur. Une simple indifférence ou le manque de contacts réguliers ne suffit pas pour obtenir la révocation d’une donation.

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